[…] Le choix était vite fait.
Il y avait aussi cette armée de scribouillards qui te servaient leur morale à deux balles à longueur de papier : « Avec un tel talent, cette droite et ce menton en acier trempé, Max pourrait devenir un grand champion. Mais il n’en a ni le mental, ni la volonté. C’est un feu de paille ». Qu’ils s’y collent, si ça leur chante. Après tout, la vie est courte et notre heure vient bien assez tôt.
[…]
Les risques du métier.
Et après ? Dieu que le fond de l’air est gris. […]
Un an à écumer les cabarets en attendant qu’on t’autorise à renfiler les gants. Un an, c’est le tarif quand la mort frappe entre les cordes.
Et après ? La vie continue. On retourne à la salle en traînant des pieds. On boxe sans se préparer. Comme pour se punir. Comme pour punir le plus cruel des sports.
Il reste le talent. Précieux, le talent. Assez pour convaincre le grand Jack Dempsey de te filer un coup de main pour retourner au charbon, raccourcir tes coups, retrouver la niaque.
Il est tombé à pic, Jack. Quelques mois avant que tu ne rencontres Max Schmeling au Madison Square Garden de New York le 8 juin 1933. Schmeling, l’Allemand. Schmeling, le nazi. Baer, le Juif. Baer et son étoile de David cousue sur le short. Le genre de combat qui déborde des cordes du ring.
On les imagine, les Ashkénazes, première et deuxième génération, l’oreille collée à leurs petites radios, pour écouter le récit coup par coup du grand combat. « Cette fois, Max s’est entraîné sérieusement. Ce cher Max, ils disent, il tient une forme du tonnerre ».
Schmeling aussi s’est bien entraîné. Les coups sont durs, violents. À toi, à moi, jusqu’au dixième round quand l’arbitre prend pitié de l’Allemand qui dérive en titubant vers la défaite.
Ce soir, Max, tu n’as pas frappé avec tes poings, mais avec un marteau de forgeron.
Et maintenant ? Retour aux cabarets.
Max Baer. Clown triste et boxeur repenti.
Max Baer. Le héros des Juifs.
Celui qui avait abattu le champion allemand, Max Schmeling.
Un cogneur. Un tueur même, avec un mort sur la conscience.
Un certain Frankie Campbell, mort dans l’exercice de sa passion,
sur un ring de San Francisco, en octobre 1930.
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