On appela Golem l'homme créé par des combinaisons de lettres ; le mot signifie, littéralement, une matière amorphe ou sans vie.
L'origine de l'histoire remonte au xviie siècle. Selon des formules perdues de la Cabale, un rabbin construisit un homme artificiel – dénommé Golem – pour que celui-ci sonne les cloches de la synagogue et accomplisse les travaux pénibles. Il notait pas, pourtant un homme comme les autres et il était à peine animé d'une vie sourde et végétative. Celle-ci durait jusqu'à la nuit et devait sa vertu à l'influx d'une inscription magique, qu'on lui mettait derrière les dents et qui attirait les libres forces sidérales de l'univers. Un après-midi, avant la prière du soir, le rabbin oublia d'enlever le sceau de la bouche du Golem et celui-ci tomba en frénésie, courut par les ruelles obscures et déchira ceux qu'il rencontrait. Le rabbin, enfin, l'arrêta et brisa le sceau qui l'animait. La créature s'écroula. Il ne resta que la rachitique figure de boue qu'aujourd'hui encore montre à la synagogue de Prague.
Éléazar de Worms a conservé la formule nécessaire pour construire un Golem. Les détails de l'entreprise remplissent vingt_trois colonnes in-folio et exigent la connaissance des « alphabets des deux cent vingtet une portes » qui doivent être répétées sur chaque organe du Golem. Sur le front on gravera le mot Emet, qui signifie vérité. Pour détruire la créature, on effacera la lettre initiale, car ainsi il restera le mot met, qui signifie mort.
Le livre des êtres imaginaires, Jorge Luis Borges